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Évangile selon Saint Matthieu 17,1-9

Mon Seigneur et mon Dieu, faites-moi penser ce que je dois, mettez-moi à vos pieds comme vous voulez que j’y sois, pensant ou ne pensant pas ; mais vous aimant, faisant votre volonté et consolant votre cœur le plus possible… oui, pensant ou ne pensant pas : il me semble que quand vous vous montrez à moi, quand vous me faites sentir la douceur de votre présence, il n’y a pas à penser, mais à vous regarder et à vous aimer, en ne faisant autre chose que jouir et se délecter dans votre contemplation : l’esprit ne travaille pas ; il voit et il jouit : « aperi os tuum et implebo illud » dites-vous, il me semble, quand vous vous montrez : il n’y a qu’à ouvrir la bouche, c’est le moment de recevoir et de jouir, non de travailler… Mais quand vous ne vous montrez pas, que vous ne faites pas sentir la douceur de votre vue, alors l’esprit doit travailler, il doit faire comme l’Époux du Cantique, vous chercher par les rues et les places, par les chemins que vous fréquentez, ces chemins sont la méditation, de votre vie, de vos exemples, de vos paroles, de la Sainte Écriture, c’est la méditation des vérités que vous voulez que nous croyions et des vertus que voulez que nous pratiquions : par ce moyen, par ces pensées nous apprendrons ce que vous voulez de nous, nous connaîtrons et vous et votre volonté, et vos perfections et nos misères, et nos devoirs… Mais durant ce carême, mon Seigneur Jésus, il me semble que vous voulez surtout que je vous regarde, car vous me faites sentir bien doucement votre présence… Vous me rappelez sans cesse ce mot d’un psaume : «a dextris est mihi, ne commovear»… Oui mon Dieu, vous êtes à mes côtés, dans cette petite grotte, assis devant moi, me prenant la main, pressant ma tête sur votre Cœur, moi pécheur, tiède, indigne, m’embrassant et me réembrassant longuement chaque matin, me donnant non un mais plusieurs baisers de votre bouche, de temps en temps me bénissant… me souriant toujours, laissant votre main dans mes mains… et en même temps silencieux, les yeux fixés au ciel, l’esprit abîmé dans la contemplation de votre Père… Votre silence et votre contemplation me disent : « Fais comme moi… tais-toi et regarde »… Faites-moi faire comme vous, mon divin Maître… Faites-moi vous contempler, vous adorer, vous aimer, me perdre et me noyer en vous, comme vous contemplez votre Père et vous abîmez en Lui !… Toute cette nuit, vous ne ferez que cela, mon Dieu !… Faites que moi aussi, je ne fasse que vous regarder : votre volonté, ma faiblesse, ma lâcheté aussi hélas ! me feront prendre des heures de sommeil : oh ! mon Dieu, faites qu’elles soient ce qui vous plaît le plus ; que je vous console le plus possible, dormant comme veillant ; je les mets entre vos mains : donnez-leur la durée que vous voudrez : pour moi je voudrais qu’elles fussent courtes, courtes : toutefois non ma volonté, mais la vôtre, qu’elles soient ce que vous voulez. Mais aussitôt que j’aurai dormi ce que vous voulez, ce qui vous plaît le plus, éveillez-moi, faites-moi lever, je vous en prie, mon Dieu, ne me laissez pas dormir un instant de plus que ce qui vous est le plus agréable… Il est si doux d’être à vos pieds, de vous regarder, de s’abîmer dans votre bienheureuse vue. Ne me laissez pas perdre un seul instant d’un tel bonheur. Et maintenant, mon Dieu, faites-moi vous regarder, vous regarder, vous aimer, vous aimer ! Je vous le demande pour cette nuit, je vous le demande pour demain et toutes mes nuits et tous mes jours… Je vous le demande pour tous les hommes… en votre nom… en vue de vous… Oh! mon Dieu, quand je pense que toute cette nuit, et toute la journée de demain où le saint sacrement sera exposé du matin au soir, je n’aurai autre chose à faire qu’à me tenir devant vous et à vous dire «Je vous aime»… Mais quand je pense ce n’est pas seulement cette nuit et demain, mais toujours, toujours, que mon premier devoir est de vous regarder en disant sans cesse « Je vous aime, je vous aime », de quelle reconnaissance et de quelle joie n’est pas remplie mon âme ? – Saint Joseph, mettez-nous, mettez tous ceux que j’aime, mettez-moi avec vous aux pieds de Notre-Seigneur : apprenez-nous à L’aimer, à Le regarder, à Le contempler, à ne pas Le perdre de vue un seul instant ni des yeux, ni de l’esprit, ni du cœur… apprenez-nous à être sans cesse avec Lui, sans cesse noyé en Lui, à L’aimer le plus possible, à Le consoler le plus possible, vous donner, ô mon bon Père, ainsi qu’à vous, ma Mère la très sainte Vierge, mon âme et mon corps : faites-en ce qu’il vous plaira le plus pour la consolation de Notre-Seigneur Jésus.
Amen [1] !

[1] Charles de Foucauld n’a pas commenté Mt 17,1-9 ; voilà une réflexion écrite le 2ème Dimanche de Carême. C. DE FOUCAULD, Considérations sur les fêtes de l’année, Nouvelle Cité, Paris 1987, 159-161.