Évangile selon Saint Matthieu 28, 1 -10

4 heures. Où allez-vous, Marie Magdeleine, en compagnie des saintes femmes ? Où marchez-vous de ce pas rapide ? Vous allez vers le sépulcre… Vous y arrivez, la terre tremble, le sépulcre s’ouvre, un ange apparaît… Jésus n’est plus là ; il est ressuscité comme il l’avait dit… Vous cherchez mort celui qui est vivant… Où courez-vous Magdeleine, où courez-vous si vite : vos autres compagnes prennent une autre direction : où allez-vous toute seule ?… Les autres saintes femmes retournent à la maison de celles d’entre elles où, avec vous, elles ont passé la nuit. Vous, vous courez avertir les apôtres : « Le tombeau est vide, et nous ne savons où est le corps du Seigneur. » Pierre et Jean à ces mots courent vers le sépulcre : ils courent très vite et vous, fidèle Magdeleine, Magdeleine très fidèle, vous courez avec eux… Jean arrive le premier, Pierre ensuite, avec vous… Pierre et Jean voient le sépulcre vide, crient à la résurrection et s’en retournent émerveillés… Vous, vous restez, fidèle Magdeleine, vous restez à la porte du sépulcre et vous pleurez… 5 heures sonnent, vous vous penchez pour regarder l’intérieur du sépulcre, pleurant toujours : vous y voyez deux anges vêtus de blanc : «Femme, disent-ils, pourquoi pleures-tu ? Ils ont enlevé mon Seigneur et je ne sais où ils l’ont mis… » Magdeleine, vous n’avez pas autant de science que Pierre et Jean : mais ce n’est pas la science que récompense Jésus c’est l’amour : vous avez plus d’amour… Une ombre paraît derrière vous dans le demi-jour du matin : vous vous retournez : cette ombre est à quelque distance du sépulcre à la porte duquel vous êtes, près de la maison du jardinier. C’est peut-être le jardinier, vous dites-vous : ne saurait-il pas ce qu’est devenu le corps de mon Seigneur : « Femme pourquoi pleurez-vous ? Que cherchez-vous ? » vous dit l’ombre au même moment… C’est le jardinier, pensez-vous, et vous dites : si c’est vous qui l’avez enlevé ! Seigneur, dites-moi où vous l’avez mis, et je l’emporterai… Et en même temps vous vous approchez de cet homme… Vous êtes arrivée à deux pas de lui : il ouvre la bouche de nouveau : « Marie. » Oh, alors bienheureuse et très fidèle Magdeleine, vous tombez à ses pieds, ravie, « Rabboni ». « Mon Maître » dites-vous… C’est votre Maître qui vous a apparu, à vous, la première, après sa mère immaculée, ô Magdeleine la pécheresse,… c’est vous qu’il a aimée plus que tous ses apôtres, plus que tous les hommes après sa mère : oh, vous aussi toute la terre vous proclamera bienheureuse… Votre Sauveur est là, vous tenez ses pieds entre les mains : vous pleurez encore, vous pleurez plus encore qu’avant, très fidèle Magdeleine, mais c’est de joie, c’est de bonheur, c’est d’un bonheur dont il vous semble que vous allez mourir… Votre bien-aimé Seigneur est ressuscité, glorieux pour toujours, heureux pour toujours ! O Magdeleine, votre bonheur se tait maintenant, vous baisez ses pieds : vous n’avez plus de paroles, mais seulement des baisers et des larmes : votre bien-aimé est bienheureux pour toujours, toujours… Pleurez, pleurez Magdeleine : oui, pleurez, pleurez, pleurez de joie, vous qui avez tant pleuré de douleurs, et faites-moi partager vos larmes, à moi, votre indigne enfant et à tous les hommes, tous enfants de Jésus, et tous par conséquent les vôtres [1].

[1] C. DE FOUCAULD, Considérations sur les fêtes de l’année, Nouvelle Cité, Paris 1987, 329-331.